Parfois tu as une intuition qui te fait lever la tête, tendre l’oreille et regarder à l’horizon. C’est le feeling de passer à côté de quelque chose de gros. Quant à moi, c’est Caltâr-Bateau qui s’en vient. J’ai entendu parler de la troupe grâce au réalisateur Jean-Bruno Pinard (Fire/Work, Eliza, Maison Brume), un ami de longue date.

La troupe lance leur album le jeudi 12 décembre à la Sala Rossa et j’en ai profité pour m’entretenir avec les deux leaders de la formation Alexandre Beauregard et Étienne Dupré. Ils me donnent rendez-vous Chez Claudette, un restaurant de Poutine au coin de Laurier et St-Denis.

Alexandre Beauregard : Après avoir vu un de nos show, J-B [Jean-Bruno] est venu nous voir et nous a invités dans son studio. Finalement, on a fait l’album avec et on est super content, car on n’aurait jamais réussi ça sans lui.

Étienne Dupré : On avait commencé l’album en mars, puis on la continué petit à petit, vraiment longtemps. Mais c’était l’fun parce qu’on a eu le temps d’y aller à notre goût et d’explorer au maximum.

AB : On n’était pas pressé. On n’était pas connu, alors personne n’attendait un album de nous. Le but c’était de faire du mieux qu’on pouvait pour sortir quelque chose de réussi.

Vous ne passez pas par la formule du EP comme la plupart des groupes qui débute?

AB : On avait enregistré deux pistes très rapidement qu’on avait présentées au Francouvertes en 2012, mais on n’a pas été choisie, alors qu’on avait reçu de bons commentaires. Tout le monde nous disait de faire un EP, mais ça ne nous tentait pas. On en avait déjà fait sur nos anciens projets. [Major House pour Étienne et A Grand Scene pour Alexandre]

ÉD : De toute façon, les pistes étaient là. Il y avait huit chansons qu’on voulait enregistrer. Pourquoi pas toutes les enregistrer, les produire et dire, Caltâr-Bateau, en 2013, c’est ça!

Les deux gars ont l’air d’avoir une belle complicité. Ils se connaissent depuis le secondaire. Ils ont parti un band de cover punk ensemble. Ils ont eu des projets différents et se sont développé musicalement chacun de leur côté.

ÉD : Une fois qu’on a décidé de travailler ensemble, ça l’a évolué très vite parce qu’on est des personnes avec beaucoup de volontés et d’idées. Manquer d’imagination c’est quelque chose qui nous est jamais arrivé. On a toujours réussi à se renouveler dans ce qu’on fait. Caltâr-Bateau a environ un an et demi et notre album sort là. On est bien content.

Caltar

De deux membres, Caltâr-Bateau a réussi à devenir une formation complète de sept membres.

AB : L’idée m’est venue en conduisant en char. J’me suis dit, ça serait nice d’avoir un band, d’avoir beaucoup de monde sur scène, que ça soit imposant. Je trouvais que ça manquait sur la scène québécoise. Je voyais un saxophone, un violoncelle, une batterie, une basse, une guitare, des choristes, des chanteurs et je trouvais que ça serait vraiment le fun.
On a sélectionné les membres avant même d’avoir fait des chansons. C’était des amis qu’on connaissait déjà, puis on a jammé avec eux. Par défaut c’est devenu que chaque composition avait besoin de ces instruments-là. Caltâr-Bateau c’est un collectif. C’est comme ça qu’on voit notre projet.

ÉD : En général, c’est pas mal nous qui faisons les partitions.

AB : Mais nos musiciens sont tellement bons qu’on n’a pas besoin de les diriger beaucoup. Quand on arrive avec le band, la toune est faite et on a juste à voir ce qui fonctionne ou pas. C’est nos chansons et on jour tous de la musique ensemble. Ils sont professionnels, alors il n’y a pas de trip d’égo ni de chicane.

ÉD : C’est une belle gang qui embarque dans notre univers, qui n’est pas nécessairement le leur, mais qui se l’approprie.

D’où l’idée d’être toute la gang sur la pochette de l’album. Ça manquait aussi. On voit rarement tout un groupe (de sept!) sur une pochette d’album. On y reconnait les musiciens : Gabrielle Girard-Charest (de Groenland), Eliott Durocher et Elyze Venne-Deshaies (de New Apple Taste), Francis Ledoux (Emilie & Ogden et Fire/Works) et Alex Guimond.

Caltâr-Bateau, c’est un collectif qui joue une nouvelle forme de musique : le Rock Tourtière.

AB : C’est du rock proche de ses racines québécoises. À gauche et à droite, un peu up-beat, aussi déprimant qu’humoristique et farfelu. C’est un peu l’ambiance qu’il y avait au Québec dans les années 40-50 avec Yvon Deschamps, La Bolduc, La Poune, Charlebois, des show un peu humoristiques, mais quand il y a de la musique, c’est sérieux. On aime le melting pot. Quand tu fais du rock tourtière, tu ne fais pas juste de la musique. Tu fais d’autres choses, des projets en vue de show, de cinéma, de vidéoclip. Étienne est plus capable de le décrire en terme de son.

ÉD : Quand on a commencé à recevoir des gens qui qualifiaient notre musique, ça allait vers le progressif, le funk, mais aussi le folk et le rock. On est tellement dans une ère où on mélange les genres de musique. Caltâr-Bateau le fait. Pour moi, le rock tourtière, c’est un peu une petite façon de dire fuck you à tout ça. On pourrait bien dire que Caltâr-Bateau c’est du pop flexible. On flirte avec tout, sans délaisser nos racines. J’men sacre un peu du nom, alors autant en inventer un!

Pince sans rire. Ils ont réfléchi à leur propos et offrent un projet unique, intéressant et puissant.

AB : Tu ne manges jamais une tourtière qui goutte pareille, qui a le même goût. On a parti ce band là sans se dire dans quelle direction on irait. Quand on compose, on y va comme on le sent, on n’est pas constant.

ÉD : Rien ne nous empêche de faire un show à deux, mais c’est bien moins le fun.

Le nom, Caltâr-Bateau, est-ce que ça un lien avec le rock tourtière?

ÉD : À quelque part oui, parce que caltâr, ça fait partie du terroir québécois. Le mot « Caltâr » c’est une espèce de vieux sacre dérivé de calisse. Du caltâr c’est du goudron que tu mets sur les toits, c’est dégueulasse pis ça sent le calisse. Bateau c’est un juron un peu plus poli. Dans une conversation les deux ont été mis bout à bout, et ça l’a bien sonné. On cherchait un nom de band en sacrant parce qu’on n’en trouvait pas, pis finalement ç’a donné Caltâr-Bateau.

Comme le dit Alexandre Beauregard, « ce n’est pas la suite de Karkwa , c’est out of the blue ». Ils ont une facture originale, pas loin de Klô Pelgag et Violett Pi, mais accotant des collectifs tel que Canailles, Rock et Belles Oreilles, Groenland, les Denis Drolet, Harmonium et osons : Arcade Fire (loin du son, prêt de la grandeur).

ÉD : Verbal Boisson #7 est un album qui parle de boisson, de procrastination, de paresse, d’amour, de filles, d’histoire qui ne marche pas et de troubles mentaux. La première fois qu’on a écouté l’album, j’ai été troublé de voir à quel point il me ressemblait, mais j’étais content d’être ainsi honnête envers moi-même.

Lancement le jeudi 12 décembre à la Sala Rossa.

Photo par Marc-André Dupaul
Photo par Marc-André Dupaul

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