Stomp

Matt Collyer, 20 ans de punk et de ska

La légendaire étiquette de disque montréalaise Stomp Records, qui se spécialise dans le ska et le punk, fête ce mois-ci ses 20 années de service. Cela fait 20 ans que Matt Collyer des Planet Smasher a décidé de foncer de manière tout à fait indépendante, façon DIY, d’imprimer ses albums et d’organiser ses propres tournées et, à travers les années, celles de dizaines de groupes et formations en tout genre.

Petit retour sur un succès bien de chez nous.

Il y a 10 ans de cela, jamais je n’aurais pensé qu’on se rendrait si loin. J’étais encore à l’école quand on a commencé à travailler sur Stomp. Au début, on voulait juste avoir de la bière gratuite et ça s’est finalement tourné en vrai job. On a fait tourner tellement de groupes, de musiciens et d’amis. On a été chanceux.

Est-ce que c’était difficile de commencer à s’autogérer seul, pour un band punk?

Évidemment, ce n’était pas évident. En même temps, c’était une autre époque. Pour faire des disques compacts, le prix était beaucoup plus élevé que maintenant. Je n’avais pas beaucoup d’argent et j’ai utilisé plusieurs cartes de crédit pour commencer. J’avais peut-être cinq cartes avec 1000$ de crédit maximum. C’est comme ça que l’étiquette a commencé. C’était difficile, mais on était très chanceux de travailler avec des groupes qu’on aimait et avec des amis. Ce qui est difficile aussi, c’est d’être une étiquette qui vend des disques seulement au Canada.

Est-ce que vous diriez que la scène montréalaise est plus difficile qu’à d’autres endroits?

Il n’y a rien de comparable à ce qui se fait au Québec. C’est unique en Amérique du Nord. Il y a énormément de bonne musique, pas juste en ska. Si tu regardes dans les autres villes, tout ce qui en sort est corporatif. À Montréal, on produit des excellents artistes comme Half Moon Run. Les groupes ont la chance de créer leur art sans devenir commercial. J’adore ça.

À travers les années, j’imagine que vous avez reçu beaucoup de démo de groupe européen ou asiatique?

Oui, énormément de groupes de partout. C’est difficile, par contre, de produire un disque pour un groupe qui ne peut pas tourner dans notre réseau, ici au Canada ou aux États-Unis. La plupart du temps, on fait des échanges avec ces groupes européens pour pouvoir les produire. Ce n’était pas intentionnel au départ, mais à force de travailler, de tourner un peu partout et de s’amuser, on s’est fait des amis et des contacts un peu partout pour s’entraider.

Durant les 20 dernières années, il y a dû y avoir des moments mémorables?

Certainement! Il y en a eu des tonnes! Pour moi, c’est quand on a joué au Japon avec les Planet Smashers. On a joué avec Bedouin Soundclash à l’ambassade au Japon. C’était hallucinant. Tout le monde était habillé super bien, veston cravate très corpo et nous on jouait notre musique trash. C’était weird! On avait l’impression d’être dans un film. La scène ska a été très bonne au Japon il y a dix ans, mais ça s’est estompé. On a aussi joué en Australie et un peu partout en Europe. On a eu beaucoup de fierté quand Bedouin Soundclash a remporté un Juno. C’était comme une médaille d’or qu’on recevait tous pour notre travail. C’est le fun quand ça marche.

Il y a tellement de groupes avec qui ont aimerait travailler. À la fin, on se rend compte que ce n’est pas nécessairement un emploi. C’est du plaisir. Oui c’est une job, mais c’est quelque chose que l’on fait parce qu’on sait qu’on doit le faire. Je n’arrête pas de dire à mes amis qu’un jour j’aurais une vrai job. Peut-être dans un mois ou dans un autre 20 ans. En même temps, c’est une vrai job, il y a beaucoup de travail et tellement de paperasse. Mais il y a aussi beaucoup de fun. Sortir avec l’équipe ou avec les bands qui viennent nous voir, c’est toujours cool.

Durant ces 20 années, est-ce qu’il y a eu des moments plus difficiles, des moments de doutes?

Oh oui, carrément. Les premières quatre années, chaque fois je me disais « c’est weird ce qu’on fait. » Aussi en 2003, on a eu beaucoup de difficultés financières. On était stupide. On a tout arrangé et on a changé ce qu’on faisait. Ce fut aussi le début de la mort du ska en Amérique du Nord et le début de l’internet rapide et des téléchargements illégaux. Tout ça nous a éclaté dans la face, mais on a trouvé une façon de régler nos problèmes et de continuer.

Cela a dû être difficile avec l’arrivée du streaming et les albums qui ne se vendaient plus comme avant?

Oui, mais c’était inévitable. On a été chanceux en même temps. On a été l’une des premières étiquettes de disque au Canada à faire le changement au numérique. On a diversifié nos activités. Nous ne sommes plus qu’une étiquette, mais aussi une maison de gérance, de booking et de production de spectacle. On a trouvé de nouveaux groupes et on a continué à se développer.

Pour le streaming, ça serait chouette qu’il y ait un peu plus d’argent qui en découle, mais en même temps, on est rendu là et on est pris avec ça. Au début, on vendait nos albums à 10$ et les gens nous traitaient de fous, parce que c’était vraiment cheap. Mais maintenant, mon jus d’orange coute 5$ et personne n’est prêt à payer le même prix pour de la musique.

La scène ska à Montréal, est-ce qu’elle va bien?

Ça fait peut-être deux-trois ans de cela nous recevions beaucoup de groupes anglophones. Maintenant, il y a beaucoup plus de groupes francophones qui jouent du ska, comme Les Conards à l’Orange ou d’autres groupes. Il y a aussi le Festival Ska de Montréal qui existe maintenant depuis quelque temps. Il y a beaucoup de petits groupes que l’on ne connaît pas, partout au Québec et qui continuent de jouer du ska, du punk ou du rockabilly.

Et il y a aussi Stomp, qui est là depuis 20 ans et qui continue de produire des albums.

Les 20 ans de Stomp Records
Le 23 octobre au Club Soda à Montréal.
The Planet Smashers, Subb, The Beatdown, Danny Rebel & The KGB

planet-smashers